Nous ne pouvons pas passer une journée sans utiliser ces métaux rares.

Mais d’où vient ce nouveau pétrole ?

Guillaume Pitron a écrit un livre, La guerre des métaux rares. Je vous présente ici ses recherches, qui donnent matière à réflexion.

Dans le monde, des projets d’extraction se multiplient © 54115341

 

 

Quelles sont les matières minérales qui font partie des terres rares ?

Les terres rares regroupent 17 métaux : le scandium, l’yttrium, et les quinze lanthanides (lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium et lutécium).

À quoi servent les terres rares ?

Ces métaux sont devenus indispensables car ils sont présents dans de nombreuses technologies de pointe. On retrouve ainsi des terres rares dans les batteries de voitures électriques et hybrides, les LED, les puces de smartphone, les écrans d’ordinateurs portables, les panneaux photovoltaïques, les éoliennes… L’industrie de la défense y a également recours pour fabriquer des capteurs de radars et de sonars, ou encore des systèmes d’armes et de ciblage.


Tout commence en Chine, premier producteur de terres rares

Dans certaines zones d’extraction, les collines sont littéralement éventrées, les mafias locales organisent des trafics, et dans les villages dédiés au raffinage, on trouve des lacs toxiques saturés de métaux lourds. Les villages proches de ces zones sont tristement surnommés « les villages du cancer ».

En Mongolie intérieure, la radioactivité mesurée dans les villages proches de la mine de Baotou serait 32 fois supérieure à la normale (contre 14 fois à Tchernobyl).

C’est un enfer environnemental : c’est sale, toxique, et cela entraîne de lourdes conséquences écologiques.

La Chine, l’un des premiers pays extracteurs de terres rares, a sacrifié son environnement pour approvisionner le reste du monde en métaux stratégiques.


Quel est l’impact de l’exploitation des terres rares sur l’environnement ?

Lors de l’extraction et du raffinage, des substances toxiques sont rejetées dans la nature : métaux lourds, acide sulfurique, uranium… En 1998, les États-Unis ont été contraints de fermer la mine à ciel ouvert de Mountain Pass, en Californie, après le déversement accidentel de milliers de litres d’eau radioactive.

Dans les années 90, en France, l’entreprise Rhône-Poulenc purifiait 50 % des terres rares de la planète à La Rochelle. Mais elle s’est rapidement heurtée aux mêmes problèmes de pollution que les mines américaines : l’extraction et la purification des terres rares génèrent du thorium et de l’uranium, donc de la radioactivité. Les habitants n’en pouvaient plus. Cela a provoqué des tensions sociales. Les coûts de purification ont explosé, rendant l’activité non rentable. Résultat : Rhône-Poulenc a délocalisé ses activités… en Chine.


Quels sont les grands pays producteurs de terres rares ?

À cause de leur impact environnemental, de nombreux pays ont fermé leurs exploitations. Aujourd’hui, la Chine assure l’essentiel de la production mondiale, ce qui lui confère un quasi-monopole. À l’époque, Pékin a fait le choix stratégique de miser sur l’industrie, profitant de ses nombreux gisements pour fournir des terres rares à bas prix, en abondance. Elle a choisi le développement économique au détriment de l’environnement.

Depuis, les pays occidentaux ont cessé d’extraire et de raffiner ces ressources. Mais face à la flambée des prix, les grandes puissances minières cherchent à diversifier leurs sources : les États-Unis ont réactivé la mine de Mountain Pass en 2013, le Canada, l’Australie et l’Afrique du Sud multiplient les projets d’extraction, y compris dans les fonds marins du Pacifique.

Car oui, l’énergie verte et la technologie verte ne peuvent exister sans ces métaux… qui détruisent l’environnement au moment de leur extraction et de leur transformation.

Nous avons simplement délocalisé notre pollution.

Nous avons laissé d’autres pays salir leur environnement pour pouvoir acheter des métaux « propres », les intégrer à nos technologies vertes, et nous glorifier de notre transition écologique…

C’est ça, la réalité. Notre monde est divisé en deux : ceux qui se salissent… et ceux qui font semblant d’être propres.

Les extractions en République démocratique du Congo

@congofrance.com

La Chine exploite les mines de cobalt de la République démocratique du Congo. La RDC extrait à elle seule 60 % du cobalt mondial.

J’ai interviewé David, président de l’association Génération Lumière, qui nous parle des enjeux environnementaux, politiques et sociaux liés à ces mines.

 

  1. Tu es originaire du Congo. Peux-tu nous parler de ton histoire et de la création de l’association Génération Lumière ?
  2. Quel est le but de l’association ?
  3. Le Congo est le deuxième producteur mondial de métaux rares. Lesquels ? À quoi servent-ils ?
  4. On parle souvent de « 6 millions de morts au Congo en 20 ans ». Pourquoi ? Quelles sont les causes ? Peux-tu nous retracer cette histoire pour mieux comprendre ?
  5. Quelles sont les conditions d’extraction de ces métaux ?
  6. Quel est le rôle de la Chine dans ces exploitations ?
  7. Quelles dérives constatez-vous ? Quelles sont les craintes de l’association ?
  8. La RDC fait partie des pays les plus pauvres, malgré un sous-sol extrêmement riche. Comment expliquer ce paradoxe ?
  9. Quelles sont les répercussions sanitaires de ces activités minières ?
  10. Et avec les conflits, quelles sont les conséquences sociales ?
  11. Les extractions posent-elles des problèmes environnementaux ?
  12. Si l’on résume, quelles seraient les solutions pour diminuer ce trafic ?

 

 

Le problème, c’est que notre consommation de technologies et d’énergie verte est exponentielle.

Les pays en voie de développement veulent vivre comme les pays occidentaux, avec les mêmes technologies dans leurs poches. Et c’est normal. Aujourd’hui, 50 % de la population mondiale est équipée d’appareils électroniques. Mais qu’en sera-t-il quand 100 % le sera, alors que nous serons 8 milliards, chacun avec au moins un objet connecté ?

Un scientifique a calculé nos besoins en métaux rares pour les 30 prochaines années, et les chiffres sont vertigineux.

Si on continue à ce rythme, dans 30 ans, nous aurons extrait autant de métaux que depuis les débuts de l’humanité… soit en 70 000 ans.

On peut alors se poser la question : va-t-on vers une pénurie de métaux rares ?

Notre monde est en pleine transition, en pleine renaissance. Mais comment faire, s’il nous manque les matières premières dès le départ ?

Alors, que faire ? Il faudrait peut-être méditer cette phrase d’Einstein :

« On ne règle pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. »

Et pourtant, c’est exactement ce que nous faisons.

Nous pensons cette transition de manière exclusivement technologique, sans réflexion culturelle ou personnelle.

Nous voulons faire des sauts technologiques… sans faire de saut de conscience.
Nous voulons faire des progrès techniques… sans penser aux progrès humains.

Et si on appliquait concrètement cette maxime ? Quelques pistes :

  • Recycler tous les métaux rares. Aujourd’hui, moins de 1 % sont recyclés, car ce n’est pas rentable. La technologie existe, mais nous ne l’exploitons pas.

  • Substituer certains métaux par d’autres, moins polluants.

  • Éco-concevoir toutes les technologies pour les rendre plus facilement recyclables.

  • Lutter contre l’obsolescence programmée (j’en ai parlé avec M2 lors de nos précédentes émissions).

  • Encourager les entreprises qui recyclent les déchets électroniques : ce sont des exemples concrets de solutions qui existent, sans bouleverser totalement nos modèles économiques.

Mais rien ne remplacera cette phrase essentielle :

« La meilleure énergie, c’est celle que nous ne consommons pas. »